Les débuts de
The Dude
se confondent avec la première vraie tournée française de Giant
Sand, où Laureline Prod’homme tient la basse. Même si
officiellement ce sont les "charmantes" Candie Prune qui sont
invitées par Howe Gelb à jouer en compagnie de membres de
Calexico et de Grandaddy, le trio rennais n'existe plus
dès la fin 2000. Le premier à quitter le navire est Gilles, le
batteur, qui retrouve Alex et Olivier, de vieux copains
d'adolescence, qui bricolent ensemble des chansons acoustiques.
Laureline les rejoint entre deux tournées aux Etats Unis et
décide rapidement d'abandonner ses autres projets pour se consacrer
exclusivement à The Dude. Le groupe trouve une deuxième voix et par
la même occasion, un équilibre entre sauvagerie et finesse,
électricité et sensualité, dans lequel excellent depuis longtemps
les Américains (des Lonely Ones aux Strokes) et les
Anglais (de The Jam à Blur), mais où les Français sont
encore bien mal à l'aise.
Les quatre
musiciens en veulent et les compositions (une douzaine en deux
démos) s'enchaînent aux concerts (une trentaine dont les
découvertes Printemps de Bourges et de la FNAC 2003 et des
premières parties pour Calexico et les Suédois de Division
of Laura Lee entre autres). Sortir un premier album
s'impose vite comme une évidence. L'enregistrement ne durera qu'un
semaine au début de l'hiver 2002 aux studios Vogue de
Paris avec Elvire Déchamps. Le mixage sera long et délicat
car il faut mettre en valeur tous les petits détails, les fantaisies
et les expérimentations qui font que l'on écoute et réécoute chaque
chanson avec une réelle gourmandise. Le son est confié à Ray
Staff à Londres (mastering de David Bowie, Clash, PJ
Harvey, Muse…). Au final, "Specially for you" a cette subtile
touche de classe et de fraîcheur qui différencie The Dude de la
majorité des auto-productions françaises.
Car si la musique
de The Dude a la consistance familière d'un rock à guitares, aux
humeurs pop raffinées et changeantes, plus on écoute "Specially for
you" plus on a du mal à trouver les trois mots qui l'étiquetterait
vite fait, bien fait.
Rock, power pop,
punk, garage, folk ?
Les mélodies épousent les accélérations qui
transforment une petite chanson pop comme "Mary" en un brûlot
ultra-vitaminé, à deux doigts du dérapage sur le dance floor. La
rythmique métronomique qui accompagne "Mister Police",
s'assouplit jusqu'à se faire oublier dans les méandres émotionnels
de "Dawn". A la sécheresse du son de la guitare électrique,
s'oppose la chaleur des jeux de voix féminine et masculine qui se
répondent, se superposent ou s'affrontent selon le contexte.
L'amour, la haine, le désir, la déception, l'introspection,
les aléas de la vie sont chantés, hurlés, murmurés avec une pointe
d'humour et de distance qui colle parfaitement à l'image que le
groupe renvoie sur scène.
A regarder Alex interpréter chaque chanson avec la conviction que ce
sera peut être la dernière, et Laureline, frêle et tendue à côté du
micro, on est tout de suite séduit par ce mélange de retenue et de
fraîcheur qui se moque des clichés et du rock'n'rollement correct.
Sur scène comme sur disque, The Dude fait le pari de l'équilibre
entre un parti pris énergique et esthétique. Les quatre rennais
utilisent leurs (nos) références anglo-saxonnes sans se laisser
piéger par le complexe de la copie carbone et ça leur va bien.
Cathimini
(octobre 2003)
|